Réponse à 269Life Libération Animale et Tiphaine Lagarde sur les techniques militantes

269Life Libération animale fait un travail passionné. Personne ne peut douter de l’implication de ses militants. Mais, comme tous passionnés, il leur arrive de se croire porteurs de la seule vérité, de l’unique bonne façon de militer, quitte à exagérer les différences avec les autres associations pour mieux se distinguer. Je vais prendre quelques-uns des arguments développés par cette asso (et surtout par Tiphaine Lagarde, très présente dans les médias et sur internet, preuve déjà d’une certaine centralisation et personnification du combat).

1. « Tandis que le mode de vie végane (vegan) – consistant à n’acheter et consommer aucun produit issu de l’exploitation des animaux – devient un sujet d’actualité dans notre pays et semble être le signe d’une première victoire, l’échec est cependant toujours cuisant s’agissant de mobiliser celles et ceux déjà sensibles au sujet et de faire émerger la cause animale comme une lutte de justice sociale urgente. Ce n’est pas d’un régime alimentaire ou d’un mode de consommation dont il est simplement question, aussi nous considérons l’usage aujourd’hui fait du véganisme dans nos discours comme profondément individualisant et dépolitisant. »

La perception qu’a 269Life Libération Animale des termes « végane » et « véganisme » me surprend. Elle les oppose volontiers au terme « antispécisme » en faisant semblant de ne pas comprendre que l’un ne va pas vraiment sans l’autre. Le véganisme est le côté positif, le côté appliqué, le côté pratique de l’antispécisme, qui n’est qu’une idéologie qui ne sert à rien si elle n’est pas appliquée dans la vie quotidienne. Et c’est justement ce qu’est une personne végane : quelqu’un qui applique par son mode de vie et de pensée des idées égalitaires (on peut les appeler antispécistes si on aime la négativité ou véganes si on aime la positivité).

Je suis aussi encore plus surpris par le discours de certains militants 269Life Libération Animale qui insultent les véganes en leur disant qu’ils ne servent à rien mais sans nous dire ce qu’eux-mêmes ont comme comportement pratique ! Consomment-ils des substances provenant des animaux nonhumains ? Utilisent-ils des services issus de l’exploitation des nonhumains ? S’ils ne le font pas, alors ils sont factuellement véganes ! Par contre, s’ils se disent antispécistes (pour eux, le summum, la crème de la cause animale) mais ne sont pas véganes dans les faits, bonjour l’hypocrisie et l’incohérence.

Le véganisme est donc une idéologie politique et philosophique qui affirme l’égalité en droits fondamentaux (à la vie, à la liberté, à la recherche de son bien…) de tous les êtres sentients et donc, une personne végane est une personne qui vit suivant ce principe. C’est hautement politique ET positif comme attitude.

2. « Nos protestations actuelles peinent à s’affranchir d’un caractère purement symbolique séant parfaitement au pouvoir maintenant l’oppression des autres animaux en place, alors que c’est d’actions toujours plus concrètes dont ceux-ci ont besoin pour leur libération. »

Sur quoi ce base cette affirmation ? Études ? Statistiques ? Car sinon c’est de la pure idéologie. Le fait est que (et c’est clairement constatable) la multiplication des services et des produits véganes et végétaux ne fait aucun doute. La médiatisation du sujet non plus. Certes, on avance toujours trop lentement par rapport à tous ces nonhumains exploités et tués, mais dire que rien n’a été fait de bien avant l’apparition de 269Life Libération Animale c’est quand même assez exagéré voire prétentieux et mensonger. Les industries spécistes s’inquiétaient de l’extension du mouvement végane bien avant que Tiphaine Lagarde s’intéresse au sujet et bien avant que 269Life Libération Animale apparaisse.

Oui, les nonhumains ont besoin d’actions plus concrètes et l’une de ces actions (pas la seule, mais l’indispensable) c’est de ne jamais financer l’industrie et le système spéciste. Sans financement, il disparaîtra plus rapidement.

3. « Le temps des pourparlers ne viendra pour nous que lorsque nos adversaires n’auront d’autre choix que celui de nous considérer comme un contre-pouvoir fort érigé à leur encontre. Notre démarche est dès lors délibérement offensive et, si nous ne nous opposons pas fondamentalement à tout activisme « de l’intérieur », le mouvement doit beaucoup plus largement adopter une approche nouvelle capable de constamment surprendre nos ennemis pour les mettre à genoux. Une telle opposition est pour ainsi dire inexistante en France. »

Les « pourparlers » sont déjà là depuis un moment, encore une fois, bien avant Tiphaine Lagarde et 269Life Libération Animale. Le terrain était déjà préparé. Mais c’est toujours plus valorisant de croire qu’on a inventé l’eau chaude et de nier tout ce qui s’est fait avant.

« Surprendre nos ennemis pour les mettre à genoux » : cela part du principe que ces gens, nos « ennemis » font ce qu’ils font de manière tout à fait consciente et malveillante. Ça ne prend pas en compte les habitudes, l’ignorance etc. Non, car ce serait trop nuancé et subtil. Il vaut mieux, pour radicaliser les gens, créer deux camps artificiels et irréductibles, « nous » et « eux », les « bons » et les « méchants ». C’est à peu près à cela que se réduit cette « profonde » idéologie militante de 269Life Libération Animale. La réalité, heureusement, est bien plus complexe et nuancée. Hormis quelques sadiques (et cela relève de la médecine), peu de gens sont foncièrement pour le fait de nuire aux animaux nonhumains. Considérer dès lors que tous ceux qui ne pensent ni n’agissent comme nous sont nos « ennemis » absolus et qu’il faille les « mettre à genoux » est non seulement ridicule (mettre à genoux environ 99 % de la population mondiale ??? avec quels moyens ? Et après ? On met un militant 269Life Libération Animale derrière chaque personne pour la surveiller et attester qu’elle se soumet bien à notre idéologie ?) mais aussi contre-productif et puéril.

Les citations proviennent d’ici : http://269liberationanimale.fr/fr/presentation-association/

4. « Quand on résiste contre un système oppressif on n’a pas à donner une bonne image de soi. »

Je ne sais pas où Tiphaine Lagarde a vu que les véganes voulaient donner « une bonne image de soi ». Ce que la plupart font, je pense, c’est de donner une bonne image du véganisme. Car soyons logiques deux secondes : on veut changer des habitudes de pensée et de comportement millénaires pour les remplacer par d’autres, plus justes et égalitaires. Il y a deux moyens : soit on impose notre idéologie par la violence soit on fait en sorte qu’elle s’impose par la raison (et ainsi on respecte les gens, on les responsabilise). Il faut donc bien, si elle s’impose par la raison, montrer clairement en quoi c’est plus juste et aussi plus profitable à tous d’adopter un mode de vie et de pensée végane. Contrairement à ce qu’a l’air de penser Tiphaine Lagarde, beaucoup de gens sont intéressés par la justice. Et pour ceux qui ne le sont pas, c’est à nous de faire en sorte qu’ils le deviennent en leur montrant les avantages du véganisme (pour les humains mais aussi pour les autres animaux). Pourquoi voudrait-on imposer par la violence une idéologie qui est de toute manière « bonne » pour l’ensemble des êtres sentients ? Je ne sais pas comment fonctionne Tiphaine Lagarde mais personnellement, si on essaie de me faire violence pour adopter telle ou telle idéologie, je résiste. Par contre, si on me respecte en faisant appel à ma raison et à mon sens de la justice, il y a des chances que je change et qu’en plus je milite pour un changement.

5. Tiphaine Lagarde confond « pacifique » et « pacifiste » et fait croire que les véganes (sauf les militants de son asso, bien évidemment…) sont tous « pacifistes » c’est à dire, d’après elle, passifs. Les « pacifiques » sont pour la non-violence tant que les conflits peuvent se résoudre autrement, mais ils ne sont pas contre l’intervention de la force (je suis, personnellement, pacifique, mais si quelqu’un est en danger et que le seul moyen de le sauver est la force physique, je trouve cela moral de l’employer). Les « pacifistes » sont contre toute forme d’intervention par la force, contre toute forme de contrainte physique des autres. Tiphaine Lagarde prête aux autres associations véganes une idéologie qui n’est pas la leur pour ensuite mieux les critiquer.

6. Pour Tiphaine Lagarde, si on ne bloque pas un abattoir, on est un « gentil militant » (à lire : faible, soumis, larbin). Je ne sais pas si elle est végane dans la pratique (et ce serait bien qu’elle nous le dise d’ailleurs…) mais être végane c’est déjà un acte de résistance quotidien. Ce n’est pas le seul acte de résistance (car il n’y a pas qu’une seule façon de faire, sinon on appelle cela du dogmatisme, à mon avis cher à 269Life), mais c’est un acte de résistance constant.

7. « Mais la violence n’est pas forcément quelque chose de négatif ».

Ah… La violence envers qui, envers quoi ? Tous ceux qui sont violents (donc qui imposent physiquement aux autres leur idéologie) se croient dans leur bon droit. On peut sincèrement se croire du bon côté de la morale (c’est ce qu’ont fait les communistes dictatoriaux, les nazis, les chrétiens et les musulmans conquérants etc.) et dire, en quelque sorte « j’ai raison, je n’ai pas à te le prouver, mais tu vas faire et penser comme moi ! ». Très pertinent et démocratique comme attitude. Et si on est « violent dans ses propos » qu’attendons-nous ? Que les autres se soumettent, qu’ils plient, qu’on les mette à genoux ? C’est ça la belle idéologie égalitaire que prône 269Life Libération Animale ?

La force peut ne pas être négative, la violence c’est peu probable.

Les citations proviennent d’ici : https://www.facebook.com/iamvegan.tv/videos/480023545693229/?hc_ref=ARTJtz7uD8tRG5LkLQKTP7yxIUgpCK6e0hE4nHbBn1tkvShNO2b-fj4mBk4Sea5INnQ

En somme, je trouve que 269Life Libération Animale dénonce beaucoup mais ne propose presque rien. Or, les gens ont besoin de concret, ils doivent savoir systématiquement qu’est-ce qu’il y a comme possibilité pratique, comme alternative (quoi manger, de quoi se vêtir etc. ) pour changer d’attitude. C’est bien beau de dire « c’est injuste ce que nous faisons subir aux nonhumains » si on ne propose pas tout de suite, dans la phrase d’après, une solution plus juste et réaliste.

Je conseille donc à 269Life Libération Animale et à ses militants d’arrêter de croire qu’ils sont les seuls à bien militer, les uniques défenseurs des nonhumains et de comprendre que tant qu’on prône l’égalité (qu’on l’appelle véganisme ou antispécisme !) de tous les êtres sentients et tant qu’on donne l’exemple (car parler c’est facile, dire qu’on est antispéciste dans l’idée sans être végane dans les faits, c’est facile) dans notre vie et dans notre comportement, ce n’est pas inutile ou contre-productif car chaque pas individuel vers un monde égalitaire crée justement ce monde. Ainsi, toute personne, quel que soit son domaine d’action (cuisine, mode, divertissement, divers services…) qui prône et applique les principes véganes (ou antispécistes) est indispensable, par son action, à la réussite de notre mouvement.

Pour finir, le véganisme (ou l’antispécisme si on veut) prône un monde juste et sans violence. Si c’est par la violence qu’on veut arriver à un monde sans violence, il y a comme un problème de logique et de cohérence.

Le véganisme n’est pas une privation mais une libération

Nous entendons beaucoup de personnes dire que le véganisme serait une privation et qu’il serait constitué essentiellement d’interdits (alimentaires en particulier). Oui, dans les faits, puisque les véganes boycottent toutes les formes d’exploitation des animaux nonhumains, ils sont obligés de refuser certaines substances ou certains services. Mais il n’en est pas autrement pour quelqu’un qui serait contre le travail des enfants : personne ne lui dit qu’il se « prive » de chaussures s’il n’achète pas celles fabriquées par des enfants-esclaves. Tout au contraire, on suppose que c’est une bonne chose de s’abstenir de financer cet esclavage et cette abstention nous semble morale et non privative.

Il en est de même du véganisme : refuser de cautionner l’exploitation injuste, immorale et non-nécessaire des animaux nonhumains n’est une privation qu’en apparence. Il est normal de refuser de faire du mal et ce refus n’est pas un manque à gagner, un renoncement ou de l’ascétisme. Toute personne qui essaie de mener sa vie d’après des principes de justice et d’égalité est amenée à refuser de soutenir, autant que possible, tout ce qui va à l’encontre de ces principes. En ce sens, refuser de soutenir l’exploitation des animaux nonhumains (le spécisme), parce que c’est aller à contre-courant des habitudes millénaires des sociétés humaines, c’est, tout au contraire, une libération. Libération des préjugés spécistes profondément ancrés, libération des habitudes acquises dans l’enfance, quand nous ne pouvions pas trop faire des choix éclairés, libération de la pression sociale qui nous enjoint à « faire comme tout le monde » (même si tout le monde fait mal…), libération de la culpabilité que l’on ressent malgré tout quand on finance le spécisme (et qui se traduit par une dissonance cognitive)… En devenant véganes nous enlevons nos chaînes idéologiques car nous prenons désormais conscience de leur existence, de leurs conséquences tragiques et de leur lourdeur morale. Le véganisme c’est une libération idéologique du carcan spéciste dans lequel nous avons été élevés (consciemment ou pas). Le choix d’une vie guidée par des principes véganes nous rend moralement plus légers et nous apaise grâce à la cohérence désormais réelle entre nos principes et nos actes. Certes, cette cohérence n’est jamais parfaite car personne ne peut tout contrôler. Mais le simple fait de savoir que le chemin est le bon, le juste, est en soi une source de sérénité. Et cela malgré la souffrance que nous ressentons de voir toutes ces vies innocentes brisées par la cupidité, la gourmandise et l’ignorance.

Le véganisme c’est aussi une autre libération, la plus importante, celle qui est le but : la libération effective (physique) des animaux nonhumains. Un monde végane serait un monde dans lequel plus aucun être sentient n’appartiendrait à un autre, où chaque être sentient serait libre de mener sa vie loin de l’exploitation et du meurtre systématiques et organisés par notre espèce. Et cela seul le véganisme appliqué peut l’accomplir car c’est la seule philosophie qui prône une égalité totale en droits fondamentaux de tous les êtres sentients quelle que soit leur espèce (et aussi leur genre, leur couleur, leur sexualité etc.).

C’est de l’extrémisme

Quand on frappe son enfant, c’est de l’extrémisme.

Quand on fait exploser un bus avec des gens dedans, c’est de l’extrémisme.

Quand on kidnappe des adolescentes, on les terrorise et on demande une rançon, c’est de l’extrémisme.

Quand on lance des bombes sur la tête des civils, c’est de l’extrémisme.

Quand on fait travailler des gens 12h, 15h par jour dans des conditions misérables et pour un travail de misère, c’est de l’extrémisme.

Quand on tabasse des gens parce qu’ils sont homos, c’est de l’extrémisme.

Quand on viole, c’est de l’extrémisme.

Quand on transperce le corps d’un taureau vivant sous les applaudissements des assoiffés de sang, c’est de l’extrémisme.

Quand on chasse une biche et qu’on lui met une balle dans la tête, c’est de l’extrémisme.

Quand on gave des canards à tel point que leur foie fait 10 fois sa taille normale et qu’on les égorge, c’est de l’extrémisme.

Quand on frappe ou tue des gens parce qu’ils ont une autre couleur de peau, c’est de l’extrémisme.

Quand on broie vivants des milliards de poussins mâles parce qu’ils sont inutiles à l’industrie des œufs, c’est de l’extrémisme.

Quand on kidnappe le bébé d’une vache et qu’on la rackette du lait qui était destiné à son bébé, c’est de l’extrémisme.

En gros, quand on fait du mal à des innocents, c’est de l’extrémisme.

Mais quand on veut, comme le veut le véganisme, vivre autant que possible sans nuire à qui que ce soit, ce n’est pas de l’extrémisme, c’est de la cohérence, c’est de l’éthique, c’est de la compassion, c’est du respect, c’est de l’altruisme, c’est de la maturité. Le véganisme c’est justement l’opposé de l’extrémisme car l’extrémisme consiste à nuire à des êtres pour notre plaisir et dans notre intérêt !

Rendre le bien visible

Je remarque que nous avons tendance (moi y compris) à passer notre temps à dénigrer ce qui ne nous plaît pas ou ce qui ne correspond pas à nos valeurs. Certes, critiquer, par exemple, une idéologie que nous considérons profondément injuste et dangereuse n’est pas particulièrement inutile. Mais est-ce que être dans un état négatif et critique est-ce une bonne chose ? Nous n’aimons pas la personne P et nous détestons ses idées. Nous passons notre temps à suivre ce qu’elle fait pour pouvoir ensuite la critiquer et dénoncer son comportement. Ce que nous voulons, au fond, c’est que des idées et des comportements comme les siens n’existent pas et ne se propagent pas. Et nous espérons, par nos critiques incessantes, faire bloc et diminuer l’influence et la légitimité de cette personne. Mais à partir de quand une personne a-t-elle de l’influence et de la légitimité ? Est-ce quand elle est connue ou bien quand elle est reconnue ? Nous sommes dans un monde où ce n’est pas la valeur des idées d’une personne qui nous fait la suivre mais bien sa célébrité. Cette célébrité, cette présence médiatique constante, lui donne de l’influence et de la légitimité. En effet, si les idées de cette personne ne valaient rien, pourquoi serait-elle si connue et pourquoi tout le monde s’opposerait-il à elle ? Ainsi, dans l’esprit des Hommes, s’opposer fortement à quelqu’un c’est déjà lui reconnaître une certaine légitimité. Un scientifique sérieux discuterait-il d’égal à égal avec un créationniste ? Ne serait-ce reconnaître par là même que le créationnisme a une certaine légitimité scientifique alors qu’il n’a qu’une légitimité religieuse ? Critiquer c’est légitimer et par notre désir de voir disparaître certaines idées on ne réussit souvent qu’à les rendre visibles. Car, finalement, que veulent ceux qui portent une idée ? Qu’elle soit diffusée le plus possible (et le fait de la critiquer, permet, malgré tout, de la diffuser et de lui reconnaître une certaine valeur, même négative). Nous faisons exactement comme quelqu’un qui, pour éteindre un feu lui jette dessus ce qui lui permet de se propager, du bois, au lieu de lui jeter dessus ce qui ne le nourrit pas, l’eau par exemple. Pour éteindre un feu, il faut apporter le « contraire » du feu et pour faire disparaître une idée, il faut propager son contraire. Au lieu de nous concentrer à critiquer les idées que nous n’aimons pas (et les rendre ainsi visibles…) nous devrions plutôt (souvent) nous employer à diffuser le contraire de ces idées (ce que l’on réprime s’imprime). Par exemple, la meilleure façon de combattre le mensonge n’est pas de critiquer les menteurs, mais de dire la vérité. La meilleure façon de combattre les Ogm n’est pas de maudire Monsanto, mais de faire du bio etc. Au lieu de critiquer le négatif nous devrions plutôt apporter du positif. « Créer le monde que nous voulons est bien plus puissant que de détruire celui dont nous ne voulons plus. » Marianne Williamson. Pourquoi cela ? Critiquer les gens et les idées leur donne de la légitimité, les rend visibles et les met en valeur. Pendant ce temps-là, les autres gens et les autres idées qui, elles, méritent vraiment d’être connus, ne sont pas rendus visibles. Pour faire pousser une plante il ne faut pas trop passer son temps à critique la sécheresse mais il faut plutôt lui apporter de l’eau. Il y a des gens, beaucoup de gens, énormément de gens, dans ce monde qui vont presque jusqu’au sacrifice de leur vie pour aider les autres et pour améliorer le monde. Il y a de belles idées sur cette Terre, il y a de belles actions. Mais tout cela est fait dans la discrétions car les gens de bien sont souvent modestes et n’aiment pas tirer gloire de leurs actions. Ce faisant, ils sont un peu invisibles. D’autant plus que nous, au lieu de mettre les projecteurs sur ces gens et leurs idées, on les met sur des gens qui ne méritent pas d’être connus. On perd ainsi sur deux plans : on renforce, je l’ai dit, ceux qu’on critique et, en même temps, on ignore et délaisse ceux qui luttent pour la justice. On rend visible l’injustice et invisible la justice. Nous avons tendance, par exemple, de passer plus de temps à gronder l’enfant qui ne se comporte pas « bien » et pendant ce temps là on délaisse l’enfant qui met son cœur à bien faire. Comme on ne l’encourage ni félicite, il finira peut-être par cesser de le faire, déçu que personne ne le remarque. Il ne faut pas faire le « bien » pour avoir des récompenses, mais il faut encourager les gens qui le font et non pas les ignorer.

Nous avons tendance à remarquer les trains qui n’arrivent pas à l’heure et, par là-même, ignorer tous les autres, bien plus nombreux. A quoi cela sert-il de pester contre les « mauvaises » choses ? Est-ce que ça les rendra « meilleures » ? Est-ce que ça apportera la solution au problème ? Évidemment que non. Au lieu de critiquer l’injustice, soyons justes et elle disparaîtra. « Plutôt que de maudire l’obscurité, allume une bougie » Confucius. Effectivement, quelle meilleure manière de critiquer l’obscurité que d’allumer une bougie ? De plus, ce n’est pas parce qu’on critique l’obscurité que la lumière en surgira. Critiquer le négatif c’est apporter du négatif. Sans oublier que si on passe notre temps à critiquer, on contribue au pessimisme ambiant qui dit qu’il n’y a pas d’espoir et que tout va mal. Il y a beaucoup de belles choses dans ce monde, rendons-les visibles, elles souffrent du fait qu’on en détourne le regard pour nous concentrer sur les mauvaises choses. Je commence, de plus en plus, à comprendre l’importance et la profondeur des deux phrases que j’ai citées. Rendons le bien visible, rendons l’injustice et les mauvaises choses tellement invisibles qu’elles n’aient plus de pouvoir sur nos esprits. Parlons plus souvent des trains qui arrive à l’heure et des efforts de tant des gens à améliorer le monde. C’est à cela que nous devons donner de la légitimité et pas à son contraire. La justice est légitime, l’injustice est illégitime. Concentrons-nous sur la première et nous ferons diminuer (sinon disparaître) la seconde. Mais, comprenons-nous bien, il ne s’agit pas de cacher l’injustice mais plutôt de rendre invisibles ceux qui la portent, ces gens et leurs idées ne méritent pas d’être médiatisés et célèbres. Cessons donc de leur permettre d’atteindre la célébrité qu’ils cherchent, ignorons-les et battons-nous pour le contraire de ce qu’ils proposent. On gagnera ainsi sur tous les plans : 1. ils seront déçus de ne pas être reconnus pour leurs idées (et penseront peut-être à changer s’ils veulent être reconnus), ils ne pourront plus s’identifier au personnage qu’ils mettent en scène et l’abandonneront s’ils voient qu’ils s’agitent en vain car personne ne parle s’il n’est pas écouté ; 2. nous permettrons ainsi à ceux qui se battent pour la justice d’être reconnus, soutenus et encouragés, car ils le méritent et cela ne fera qu’augmenter leur envie de continuer leur combat et de s’identifier à quelqu’un de juste (on aime tous cela) ; 3. ceux qui voient que l’on est dans une société qui promeut la justice, auront aussi envie, pour être aimés, de devenir justes (on cherche tous à se faire apprécier pour quelque chose et les adultes sont comme les enfants : le petit cancre se crée son personnage car c’est pour lui une façon d’exister ; si on l’ignore et si on ne lui reconnaît pas la « valeur de cancre » et la légitimité de l’être, si on l’encourage à être autre chose en lui montrant qu’il peut l’être, il y a des chances qu’il change ; si on l’enferme dans la catégorie « cancre » il ne changera peut-être jamais car il a besoin d’une identité et son identité c’est ce que les autres lui reconnaissent, alors s’il n’est plus cancre il a peur de n’être plus rien du tout…) ; ne pas légitimer les personnages aux idées injustes évitera que ces gens s’identifient à leur rôle et continuent à le tenir car c’est là leur identité ; si on ne valorise pas leur personnage, ils l’abandonneront car ce qu’ils veulent par dessus tout c’est de la reconnaissance (fût-elle pour des choses odieuses).

Assez de théorie, j’ai peur de ne pas être assez clair. Pratiquement comment cela se passe-t-il ? La personne P est supposée raciste et presque tout le monde se ligue contre elle, à diffuser ses faits et gestes et à la critiquer. Les médias l’invitent pour faire de l’audimat sur son dos car cela fait le show. Plus on la dénonce et critique, plus cette personne s’identifie à son racisme supposé et plus elle s’enferme dans son personnage. Et plus elle semble raciste, plus elle est dénoncée etc. Pendant ce temps, la personne P1 qui, elle, travaille tous les jours de sa vie dans une association qui se bat contre le racisme sera complètement invisibilisée car tout le terrain médiatique et intellectuel aura été dominé par la personne P. La personne P1 sent que ses efforts son inutiles et non-reconnus (non pas qu’elle cherche la reconnaissance, mais elle a envie de voir que ce qu’elle fait sert à quelque chose) et perd peut-être espoir et confiance dans son combat et sa réussite. Elle finira peut-être par abandonner même si son combat est juste. Et cela pourquoi ? Parce qu’au lieu de courir lui prêter main forte, nous avons couru après la personne P pour la critiquer.

Je remarque que nous avons, pour beaucoup d’entre-nous, une forte tendance à apporter du négatif et à nous concentrer sur les « mauvais » personnages soi-disant pour les combattre. Nous les renforçons car pour les combattre il ne suffit surtout pas de les critiquer mais plutôt de proposer un autre monde, un monde contraire. Ainsi, que pourrions-nous faire pour ne pas alimenter la négativité ? Nous pourrions, par exemple, cesser de diffuser les messages de ces gens « négatifs », cesser de les critiquer, cesser de s’indigner, et, à l’inverse, proposer systématiquement une idée contraire à la leur et la diffuser. Concrètement : j’entends qu’un député propose une loi pour diminuer les droits de femmes. Au lieu de m’agiter comme un demeuré dans tous les sens et faire mon indigné, je cherche une proposition de loi contraire, je cherche une association qui lutte pour l’égalité, je cherche une personne (député par exemple) qui est pour la parité etc. et je mets leur combat en lumière, y compris, à la limite, sous l’article du député sexiste, y compris sur sa page de réseau social, y compris sur son blog etc. Comme ça, je ne fais pas que le critiquer, mais apporter à tous ceux qui lisent, en même temps que ma critique, d’autres solutions et d’autres visions du monde. Nous avons tous besoin, après avoir trouvé le problème, d’entrevoir la solution. Il faut proposer les solutions et cela systématiquement : ça donne confiance et ça montre qu’il y a des bonnes choses à faire. Traiter ce député de sexiste n’apporte aucune solution au problème du sexisme.

Enfin, je suppose que là je suis un peu plus clair… Apportons des solutions, apportons des belles idées au lieu de nous concentrer à critiquer les mauvaises choses. La critique négative n’apporte pas grand-chose. Il faut, au-delà de cela, rendre visible la solution et rendre visible le « bien ». Car on ne peut suivre un chemin si on ne le voit pas. Il faut connaître le chemin à ne pas suivre, mais cette connaissance, à elle seule, ne nous aidera pas à avancer. Il faut aussi et surtout connaître le chemin à suivre ou du moins connaître un autre chemin, connaître plusieurs chemins pour avoir le choix. Proposons systématiquement d’autres chemins, meilleurs et plus justes que ceux qui nous sont présentés. Ce n’est que comme ça que certains pourront les emprunter. Rendons visibles les « bons » chemins et invisibles les « mauvais » chemins.