Ce que révèle l’affaire de la chair morte de cheval

L’affaire de la chair morte de cheval (plus couramment appelée par l’euphémisme « viande » de cheval) révèle, certes, le caractère mafieux et profondément manipulateur de l’industrie exploitant les animaux. Mais cela n’est pas étonnant. En effet, qui pourrait imaginer qu’une industrie qui torture et tue des milliards d’êtres sentients (doués de sensations psychologiques et physiologiques) pour des banales raisons pécuniaires, détruit l’environnement, détruit la santé des citoyens et plombe les finances publiques serait autre chose qu’un vaste réseaux de crime organisé ? Personne sauf ceux qui aiment se laisser manipuler. Une industrie esclavagiste et criminelle est capable par définition de tout. Mentir sur l’origine de la chair morte de cheval n’est qu’un détail comparé au reste.

Non, ce que révèle vraiment cette affaire c’est le spécisme (faire une hiérarchie de valeur entre les espèces animales) fondamental de tout un pays, de toute une civilisation. « Manger du cadavre de cheval ? Oh non, quelle horreur ! ». « Manger du cadavre de vache ? Bah oui, c’est trop bon la vache ! » (enfin, son cadavre découpé en morceaux et joliment emballé). Si la chair de cheval a choqué la sensibilité sélective des citoyens ce n’est pas parce qu’elle serait dégoûtante en elle-même mais seulement parce que les citoyens sont plus attachés aux chevaux qu’aux vaches. Car, d’un point de vue objectif, tout le monde en convient, un cheval ou une vache sont égaux face à la souffrance et à la mort. Nous nous sommes indignés, encore une fois, non pas pour le mal fait en notre nom mais parce que nous avons été trompés et parce que nos sentiments ont été ébranlés. Rien à faire des chevaux, au fond. Comme des vaches d’ailleurs.

En quoi, d’un point de vue objectif (c’est à dire privé d’intérêts et sentiments personnels) une vache a-t-elle moins de valeur inhérente qu’un cheval ? N’a-t-elle pas mal aussi ? N’a-t-elle pas une conscience aussi ? N’a-t-elle pas des bébés pour la pleurer ? Les vaches sont des animaux sentients, tout comme les chevaux. Elles ne veulent pas être exploitées et tuées et nos habitudes culturelles leurs sont indifférentes. Ce qu’elles savent c’est si on leur fait du mal ou pas et non la charge symbolique qu’elles et les chevaux représentent pour nous qui ne regardons pas plus loin que le bout de notre nez.

Ce qui est choquant ce ne sont pas les mensonges d’une industrie dont la manipulation est la nature même. Ce qui est choquant c’est cette facilité avec laquelle presque tous les citoyens acceptent comme « normal » le fait d’exploiter et tuer les vaches. On observe ainsi les ravages de la propagande spéciste à cause de laquelle cet aveuglement discriminatoire (vache oui, cheval non !) est passé presque inaperçu.

Les vaches veulent vivre, tout autant que les chevaux. Ni plus, ni moins. Et tous ces animaux en ont le droit. Notre devoir n’est pas de les discriminer mais de les protéger de ceux qui les massacrent. Ou du moins de ne pas financer ces derniers.

Findus et l’Académie Française

Nous avons tous entendu parler de la chair morte de cheval à la place de la chair morte de vache. Pour se sortir de l’embarras, le service communication de l’entreprise « Findus » propose une parade pour le moins ingénieuse. M. Chevalier, directeur communication de l’entreprise, a écrit une lettre à l’Académie Française lui demandant d’introduire dans la langue de Molière l’expression « Appeler un cheval un bœuf ». En effet, prétexte M. Chevalier, l’expression tautologique « Appeler un chat un chat » n’a pas plus de raison d’exister qu’une expression plus complexe et surtout plus d’actualité. Il faut vivre avec son temps et reconnaître l’évolution de la société. Si la demande est acceptée, Findus pourra invoquer la langue française à la rescousse si procès il y a. Par contre, M. Francis Francilien, président de l’Académie, affirme que M. Chevalier saute du coq à l’âne et qu’il essaie de noyer le poisson. « La langue française n’est pas le bon pigeon de  Findus » dit-il en montant sur ses grands chevaux.

Mais comme il fallait s’en douter, d’autres entreprises n’ont pas attendu longtemps pour proposer elles aussi des expressions leur permettant de se dédouaner et d’augmenter leurs ventes.

Par exemple, et dans le même ordre d’idées, l’entreprise chinoise « Chi quan », par la voix de son porte parole Liu Xi, propose l’expression « Appeler un chat un bœuf ».

La FSTF (Fédération des sociétés Taurines de France), qui est déjà à l’origine de l’expression « Prendre le taureau par les cornes », propose maintenant l’expression « Héros le jour, viande la nuit » pour tenter de faire accepter l’idée qu’il n’y a pas de mal à manger le taureau tué dans l’arène. Une association anti-corrida propose une contre-expression : « Être un toréador mouillé » pour signifier le fait qu’il ne faut pas beaucoup de courage pour s’attaquer armé à un animal affaibli (et d’invoquer un chiffre : entre 1950 et 2005, en Europe, il y a eu un matador tué pour 45.000 taureaux, ce qui fait 0,002 % de chances pour un humain de mourir au combat).

L’émission « Un dîner presque parfait » introduira dans sa prochaine diffusion une épreuve de « goût » et demandera aux participants de distinguer la chair morte de cheval de celle de vache. Et à M6 de proposer l’expression (qui donnera d’ailleurs le nom à cette émission spéciale) « Est-ce du cheval ou du bœuf ? » variante du « Est-ce du lard ou du cochon ? ».

Avant, c’étaient les écrivains qui modifiaient la langue. Maintenant ce sont les entreprises… Notre société bat de l’aile.