La morale appliquée aux animaux

8. – Les formes dérivées du principe premier de la morale selon Kant.

Kant a, comme on sait, donné une seconde formule du principe premier de sa morale : cette fois, ce n’est plus, comme tout à l’heure, une formule détournée, une indication de la manière dont il faut le chercher, c’est une expression directe. Il commence, dès la page 63, R. 55 à préparer le terrain, à l’aide d’une définition très étrange, ambiguë, disons mieux, peu loyale, de ces deux idées: fin et moyen ; alors qu’il serait si simple de définir ainsi: la fin est le motif direct d’un acte de volonté ; le moyen en est le motif indirect (simplex sigillum veri) [la simplicité est le signe de la vérité]. Mais lui, à la faveur de ses étonnantes définitions, sournoisement il parvient jusqu’à cette proposition : « L’homme, et en général tout être raisonnable, est une fin en soi. » – Ici, je dois faire cette simple remarque: que d’ « être une fin en soi », c’est une chose inconcevable, une contradictio in adjecto. Être une fin, c’est être l’objet d’une volonté. On ne peut donc être une fin que par rapport à une volonté, c’est d’elle qu’on est la fin, c’est-à-dire, d’après ce qui précède, le motif direct. C’est dans cette position relative que l’idée de fin a un sens; tirez-la de là, elle perd sa signification. Or ce caractère relatif exclut nécessairement toute idée de « en soi ». « Fin en soi », autant vaut dire : « Ami en soi, – Ennemi en soi, – Oncle en soi, – Nord ou Est en soi, – Dessus ou dessous en soi », etc. Maintenant pour aller au fond, cette idée de « fin en soi » soulève la même objection que celle du  devoir absolu: une même pensée cachée, bien plus inconsciente, se trouve sous l’une et l’autre: c’est la pensée théologique. – La notion de « valeur absolue » ne vaut pas mieux: c’est à cette prétendue, à cette inconcevable  « fin en soi », que cette valeur appartiendrait. Mais ici encore, pas de grâce: il faut que j’imprime sur cette idée la, marque : contradictio in adjecto. Toute valeur est une grandeur mesurable, et par suite sujette à un double rapport: elle est relative, en ce qu’elle s’applique à un objet; et elle est comparative, en ce qu’elle résulte d’une comparaison entre cet objet et un autre. Hors de ces deux rapports, le terme de valeur n’a plus ni portée ni sens. Ce sont là des choses trop claires pour qu’on insiste plus sur cette analyse. – Mais si ces deux définitions offensent la logique, voici qui offense la morale: c’est cette proposition (p. 65, R 56), que les êtres sans raison (les bêtes par conséquent) sont des choses, doivent être traités comme des moyens qui ne sont pas en même temps des fins. D’accord en ce point avec lui-même, l’auteur, dans les Éléments métaphysiques de la doctrine de la vertu, § 16, dit expressément ceci: « L’homme ne saurait avoir d’obligation envers aucun être autre que l’homme » ;  et § 17: « La cruauté envers les bêtes est la violation d’un devoir de l’homme envers lui-même: elle émousse en l’homme la pitié pour les douleurs des bêtes, et par là affaiblit une disposition naturelle, de celles qui concourent le plus à l’accomplissement du devoir envers les autres hommes ».  – Si donc l’homme doit compatir aux souffrances des bêtes, c’est pour s’exercer; nous nous habituons sur elles, comme in anima viIi, à éprouver la compassion envers nos semblables. Et moi, d’accord avec toute l’Asie, celle qui n’a pas été atteinte par l’Islam (c’est-à-dire par le judaïsme), je dis que de telles pensées sont odieuses et abominables. (…)

4. – En effet, une compassion sans bornes qui nous unit avec tous les êtres vivants, voilà le plus solide, le plus sûr garant de la moralité: avec elle, il n’est pas besoin de casuistique. Qui la possède, sera bien incapable de causer du dommage à personne, de violenter personne, de faire du mal à qui que ce soit; mais plutôt pour tous il aura de la longanimité, il pardonnera, il aidera de toutes ses forces, et chacune de ses actions sera marquée au coin de la justice et de la charité. En revanche, essayez de dire: « Cet homme est vertueux, seulement il ne connaît pas la pitié ». Ou bien: « C’est un homme injuste et méchant; pourtant il est compatissant ».  La contradiction saute aux yeux. – A chacun son goût; mais pour moi, je ne sais pas de plus belle prière que celle dont les anciens Indous se servent pour clore leurs spectacles (comme font aujourd’hui les Anglais à la fin de leur prière pour le roi). Ils disent: « Puisse tout ce qui a vie être délivré de la souffrance! ». (…)

7. – Une autre preuve que le motif moral ici proposé est bien le vrai, c’est qu’avec lui les animaux eux-mêmes sont protégés: on sait l’impardonnable oubli où les ont méchamment laissés jusqu’ici tous les moralistes de l’Europe. On prétend que les bêtes n’ont pas de droits; on se persuade que notre conduite à leur égard n’importe en rien à la morale, ou pour parler le langage de cette morale-là, qu’on n’a pas de devoirs envers les bêtes: doctrine révoltante, doctrine grossière et barbare, propre à l’Occident, et qui a sa racine dans le judaïsme. En philosophie toutefois on la fait reposer sur une hypothèse admise contre l’évidence même d’une différence absolue entre l’homme et la bête: c’est Descartes qui l’a proclamée sur le ton le plus net et le plus tranchant, et en effet, c’était là une conséquence nécessaire de ses erreurs. La philosophie Cartésiano-Leibnizio-Wolfienne avait, à l’aide de notions tout abstraites, bâti la psychologie rationneIle, et construit une anima rationalis immortelle; mais visiblement le monde des bêtes, avec ses prétentions bien naturelles, s’élevait contre ce monopole exclusif, ce brevet d’immortalité décerné à l’homme seul; et silencieusement, la nature faisait ce qu’elle fait toujours en pareil cas: elle protestait. Nos philosophes sentant leur conscience de savants toute troublée, durent essayer de consolider leur psychologie rationnelle à l’aide de l’empirique: ils se mirent donc à creuser entre l’homme et la bête un abîme énorme, d’une largeur démesurée: par là ils nous montraient, en dépit de l’évidence, une différence irréductible. C’est de tous ces efforts que Boileau riait déjà :

« Les animaux ont-ils des universités? Voit-on fleurir chez eux des quatre facultés? »

Avec cette théorie, les bêtes auraient fini par ne plus savoir se distinguer elles-mêmes d’avec le monde extérieur, par n’avoir plus conscience d’elles-mêmes, plus de moi! Contre ces déclarations intolérables, il suffit d’un remède: jetez un seul coup d’œil sur un animal, même le plus petit, le dernier, voyez l’égoïsme immense dont il est possédé : c’est assez pour vous convaincre que les bêtes ont bien conscience de leur moi, et l’opposent bien au monde, au non-moi. Si un cartésien se trouvait entre les griffes d’un tigre, il apprendrait, et le plus clairement du monde, si le tigre sait faire une différence entre le moi et le non-moi! A ces sophismes des philosophes répondent les sophismes du peuple: tels sont certains idiotismes, notamment ceux de l’allemand qui, pour le manger, le boire, la conception, l’enfantement, la mort, un cadavre, quand il s’agit des bêtes, a des termes spéciaux, tant il craindrait d’employer les mêmes mots que pour les hommes: il réussit ainsi à dissimuler, sous la diversité des termes, la parfaite identité des choses. Les langues anciennes ne connaissaient pas cette synonymie-là, et naïvement elles appelaient d’un même nom des choses qui sont les mêmes ; il faut donc que ces idées artificielles soient une invention de la prêtraille d’Europe : un tas de sacrilèges, qui ne savent par quels moyens rabaisser, vilipender l’essence éternelle qui vit au fond de tout être animé. Par là ils sont arrivés à établir en Europe ces méchantes habitudes de dureté et de cruauté envers les bêtes, qu’un homme de la Haute-Asie ne saurait voir sans une juste horreur. En anglais, nous ne trouvons pas cette infâme invention : cela sans doute tient à ce que les Saxons, au moment de la conquête d’Angleterre, n’étaient point encore chrétiens. Toutefois on en retrouve le pendant, dans cette particularité de la langue anglaise: tous les noms d’animaux y sont du genre neutre, et par suite quand on veut les remplacer, on se sert du pronom it (il au neutre), absolument comme pour les objets inanimés; rien de plus choquant que cette façon, surtout quand on parle des primates, du chien par exemple, du singe, etc. : on ne saurait méconnaître là une fourberie des prêtres pour rabaisser les animaux au rang des choses. Les anciens Égyptiens, pour qui la religion était l’unique affaire de la vie, déposaient dans les mêmes tombeaux les momies humaines et celles des ibis, des crocodiles, etc. : mais en Europe, ce serait une abomination, un crime, d’enterrer le chien fidèle auprès du lieu où repose son maître, et pourtant c’est sur cette tombe parfois que, plus fidèle et plus dévoué que ne fut jamais un homme, il est allé attendre la mort. – Si vous voulez reconnaître jusqu’où va, pour l’apparence phénoménale, l’identité entre la bête et l’homme, rien ne vous y conduira mieux qu’un peu de zoologie et d’anatomie: que dire, quand on voit aujourd’hui (1839) un anatomiste cagot se travailler pour établir une distinction absolue, radicale, entre l’homme et l’animal, allant même jusqu’à s’en prendre aux vrais zoologistes, à ceux qui, sans lien avec la prêtraille, sans platitude, sans tartuferie, se laissent conduire par la nature et la vérité; jusqu’à les attaquer ; jusqu’à les calomnier!

Il faut vraiment être bouché, avoir été endormi comme au chloroforme par le foetor judaïcus1, pour méconnaître cette vérité: que dans l’homme et la bête, c’est le principal, l’essentiel qui est identique, que ce qui les distingue, ce n’est pas l’élément premier en eux, le principe, l’archée, l’essence intime, le fond même des deux réalités phénoménales, car ce fond, c’est en l’un comme en l’autre la volonté de l’individu; mais qu’au contraire, cette distinction, c’est dans l’élément secondaire qu’il faut la chercher, dans l’intelligence, dans le degré de la faculté de connaître: chez l’homme, accrue qu’elle est du pouvoir d’abstraire, qu’on nomme Raison, elle s’élève incomparablement plus haut; et pourtant, cette supériorité ne tient qu’à un plus ample développement du cerveau, à une différence dans une seule partie du corps, et encore, cette différence n’est que de quantité. Oui, l’homme et l’animal sont, et pour le moral et pour le physique, identiques en espèce; sans parler des autres points de comparaison. Ainsi on pourrait bien leur rappeler, à ces occidentaux judaïsants, à ces gardiens de ménagerie, à ces adorateurs de la Raison, que si leur mère les a allaités, les chiens aussi ont la leur pour les nourrir. Kant est tombé dans cette faute, qui est celle de son temps et de son pays : je lui en ai déjà fait le reproche. La morale du christianisme n’a nul égard pour les bêtes: c’est en elle un vice, et il vaut mieux l’avouer que l’éterniser (…). Entre la pitié envers les bêtes et la bonté d’âme il y a, un lien bien étroit: on peut dire sans hésiter, quand un individu est méchant pour les bêtes, qu’il ne saurait être homme de bien. On peut d’ailleurs montrer que cette pitié et les vertus sociales ont la même source. On voit par exemple les personnes d’une sensibilité délicate, au seul souvenir d’un moment où par mauvaise humeur, par colère, échauffés peut-être par le vin, elles ont maltraité leur chien, ou leur cheval, ou leur singe, sans justice ou sans nécessité, ou plus que de raison, être saisies d’un regret aussi vif, se trouver aussi mécontentes d’elles-mêmes, qu’elles pourraient l’être au souvenir d’une injustice exercée contre un de leurs semblables et que leur conscience vengeresse leur rappelle.

NOTE :

1. [la puanteur juive] la question de l’antisémitisme de Schopenhauer est plus complexe qu’il n’y paraît. Il convient en effet de le distinguer de son hostilité philosophique au judaïsme, entaché, à ses yeux, de trois défauts rédhibitoires: le réalisme, le monothéisme et l’optimisme, auxquels Schopenhauer oppose son idéalisme, son athéisme et son pessimisme. Quant à l’antisémitisme proprement dit, il est incontestable, mais limité. Schopenhauer soupçonne que « les défauts connus des juifs, inhérents à leur caractère national, sont peut-être surtout imputables à la longue et injuste oppression qu’ils ont subie ». (Parerga…, trad. fr. in Ethique, droit et politique, pp. 110-111). « Qu’ils jouissent des mêmes droits civils que les autres, l’équité le réclame » (ib.). Mais Schopenhauer leur refuse les droits politiques, parce qu’ils « sont et restent un peuple étranger » (ib., p.112).

Source

Lette d’un monde végan

Chers amis et co-activistes,

Au moment où la plupart des organisations pour les droits des animaux sont activement en train de promouvoir, préconiser et valoriser les produits animaliers et les méthodes d’élevage « humains », je vous écris au nom de trois bénéficiaires de cette clémence.

Pour l’industrie ils sont connus en tant qu’unités de production n°6, n°35 et n°67 595. Pour le consommateur « compatissant », ils sont connus en tant qu’étiquettes de bonne conscience : « le lait bio », « le veau rosé » et « les œufs bio ». Aux défenseurs du bien-être ils sont connus en tant qu’ « alternatives humaines ». Entre eux ils se connaissent en tant que mère, fils, sœur, ami. Pour eux-mêmes, ils sont simplement ce que vous et moi nous sommes pour nous-mêmes : un monde auto-conscient et autocontrôlé d’expériences subjectives, d’émotions, de peurs et de souvenirs– quelqu’un avec la certitude absolue que sa vie vaut le coup de vivre.


N°6 est mère pour la première fois.
Elle est frénétique. Son enfant a disparu. Elle arpente désespérément dans son enclos, beuglant, pleurant et appelant son petit qu’elle a perdu, craignant le pire ; ses peurs sont confirmées. Elle est l’une des milliers de femelles sans défense qui est née dans la pittoresque et verdoyante ferme de lait biologique. Elle passera sa courte vie en deuil, perdant enfant après enfant. Elle sera traite inlassablement au travers de nombreux cycles de grossesse et de deuil. Sa seule expérience de maternité sera celle de la pire perte d’une mère. A la fleur de son âge son corps cédera, son esprit se brisera, sa « production » de lait déclinera et elle sera envoyée à l’abattage horrifiant avec d’autres mères en deuil et épuisées comme elle.

Elle
est le visage du lait biologique.

N°35 est un bébé de deux jours.
Son cordon ombilical est encore attaché, son pelage est encore recouvert des fluides d’accouchement, ses yeux encore flous, ses jambes tremblotantes. Il pleure pitoyablement pour sa mère. Personne ne répond. Il vivra sa courte vie en tant qu’orphelin, sa seule expérience d’amour maternelle sera celle de se languir de sa mère, sa seule expérience de connexion émotionnelle, celle de l’absence.
Bientôt, le souvenir de sa mère, de son visage, sa voix, sa senteur auront fané, mais la douloureuse et irrépressible aspiration à sa chaleur sera toujours là. A l’âge de quatre mois, lui et les autres orphelins comme lui seront entassés dans des camions et amenés à l’abattoir.
Même traîné sur le sol de l’abattoir, il sera toujours en train de chercher sa mère, désirant toujours désespérément sa présence encourageante, surtout dans ces moments sombres où il sera effrayé et aura besoin d’elle plus que jamais – au milieu des visions d’horreur, des bruits et des odeurs de la mort autour de lui. Dans sa détresse, dans sa recherche d’un peu de consolation et de protection, il, comme la plupart de petits veaux, va essayer de téter les doigts de son tueur.

Lui est le visage du « veau rosé » que les « patrons de restaurants responsables » sont encouragés à proposer à leur menu

 

N°67 595 est l’une des 80 000 poules dans un établissement familial d’œufs biologiques. Elle n’a jamais vu le soleil ni senti l’herbe sous ses pieds, elle n’a jamais rencontré sa mère. Ses yeux piquent à cause des fumées brûlantes d’ammoniac, son corps déplumé est couvert de blessures et d’abrasions, ses os sont cassants à cause de l’épuisement par la production d’œufs, son bec coupé est palpitant de douleur. Elle est exténuée, épuisée et défaite. Après toute une vie de privation sociale, psychologique, émotionnelle et physique, elle s’en sort en picorant des cibles fantômes pendant des heures sans fin. Elle a deux ans et sa vie est terminée. Sa production d’œufs a diminué et on s’en débarrassera par les moyens les moins chers – elle sera gazée avec les autres 80 000 poules de sa communauté. Cela prendra trois jours complets pour finir le travail. Pendant deux longues journées elle entendra les bruits et respirera les odeurs de ses sœurs en train de mourir dans les bidons de gaz à l’extérieur de son étable. Et à la troisième journée ce sera à son tour. Elle sera attrapée par ses jambes et amenée dehors pour la première fois de sa vie et, comme toute un chacune de ces 80 000 poules épuisées, comme chacune de ces 50 milliards de victimes annuelles de notre appétit, elle se battra pour continuer à vivre et elle n’acceptera aucune explication et aucune justification pour être privée de sa pathétique vie unique.

Elle est le visage des « œufs biologiques » dont nous encourageons l’utilisation par les campus universitaires, les entreprises et les consommateurs.

 

Ce sont les « bénéficiaires » de pratiques de « l’agriculture humaine » que nous, les défenseurs d’animaux, sommes en train de développer, promouvoir, et récompenser publiquement en encourageant les consommateurs « compatissants » à acheter les produits que nous ne connaissons pas comme étant autre que de la misère. Les pratiques tellement « humaines » que, si nous étions forcés à les endurer, nous ne pourrions les décrire comme humaines.

Nous, les activistes, savons qu’il n’existe pas d’élevage compatissant, responsable ou éthique à aucune échelle. Nous savons que la seule alternative éthique et humaine est la vie végétalienne.

Pourquoi sommes-nous si peu nombreux à dire la vérité ? Pourquoi décrivons-nous les produits « biologiques » en tant qu’humains alors que nous connaissons l’horreur que ces pratiques infligent sur leurs victimes ? Pourquoi nous mentons-nous à nous même et au public sur le fait que l’élevage « responsable » est tout sauf un mythe, une combine de marketing, un label trompeur ? Pourquoi tant parmi nous abandonnent les vies animales en encourageant la consommation de leur chair, œufs et lait, quand notre seul devoir est de nous battre pour leurs vies comme si c’étaient les nôtres ? Pourquoi soutenons-nous la pratique de la consommation d’animaux quand nous la savons si brutale, inexcusable, excessive et complètement inutile ? Pourquoi récompensons-nous les consommateurs qui en demandent plus alors que l’élimination de cette pratique est notre lutte principale ? Pourquoi renforçons-nous et encourageons-nous les présomptions spécistes du monde, quand notre travail, notre seule tâche en tant qu’éducateurs végétaliens et activistes est de défier et de changer ces préjugés en offrant une nouvelle façon de considérer les animaux non-humains, une nouvelle manière d’interagir avec eux, un nouveau mode de vie, une nouvelle manière d’être dans le monde ?

Beaucoup d’entre nous justifient notre approbation de produits animaliers « humains » et notre poursuite de réformes sociales en disant que le monde n’est pas prêt à changer, qu’il pourrait ne jamais devenir végétalien, que le meilleur que l’on puisse accomplir est de réduire la souffrance des animaux condamnés aujourd’hui. Mais ce n’est pas vrai. Ce n’est pas un fait. C’est une peur – une peur d’agir, un échec de volonté, une attitude défaitiste et, en fin de compte une prophétie qui s’accomplit d’elle-même.


La vérité c’est que le monde peut changer. En effet, le monde a déjà changé beaucoup de fois auparavant, et il a changé de façons qui semblaient impossibles à ce moment là. La vérité c’est que le monde changera, mais seulement si nous travaillons dans le but de ce changement. Il restera pareil si nous, les agents de changement autoproclamés, l’encouragerons de rester pareil. Il changera si nous dirons tous la vérité : qu’il n’y existe pas d’élevage ou d’utilisation d’animaux de quelconque manière qui soient humains, la vérité que la seule alternative humaine est la vie végétalienne, la vérité que l’élevage de quelconque échelle est un désastre éthique et environnemental, la vérité que les animaux sont des personnes comme toi et moi, mais simplement non-humains et qu’ils ont le même droit inhérent que toi et moi à la vie et à la liberté. La vérité que la vie végétalienne n’est pas un choix de « style de vie » mais un impératif moral.


Nous pouvons faire mieux. En effet, nous avons l’obligation de faire mieux.

Je vous invite à voir par vous-mêmes combien peut être accompli quand un petit groupe d’activistes dédiés consacrent tout leur temps et ressources à une éducation végétalienne qui ne sape pas, mais est en harmonie avec notre but ultime – la Libération Animale – et quand le message Go Vegan (deviens végétalien) est central à toute et chacune de ses communications, à partir des ressources en ligne, passant par la littérature imprimée, les publicités, les démonstrations, les affichages, les événements de soutien, aux explorations en profondeur des personnalités d’animaux d’élevage – détaillés dans les portraits individuels publiés sur le Blog de la Prairie.


Sur un budget minime, avec un groupe d’éducateurs de véganisme bénévoles, qui sont déterminés à dire toute la vérité sur la production de la viande, du lait et des œufs, une petite organisation (populaire) comme Peaceful Prairie Sanctuary a pu construire quelque chose d’aussi grand. Alors que les organisations opulentes ont non seulement échoués à mettre en valeur ce message, mais l’ont sapé au travers des années de travail anti-végan. Un monde végétalien éclatant pousse au milieu du monde non-végétalien, un endroit où les animaux réfugiés sont vus et représentés comme les personnes qu’ils sont de droit, un endroit où les résidents humains travaillent inlassablement pour rien de moins qu’une libération totale, un Etat Libre au cœur de ce monde subjugué par l’homme, un endroit où les principes d’abolition sont appliqués en mots, en pensées et en actes. Une enclave végétalienne dont seule la présence a déjà changé la géographie physique, politique, psychologique et spirituelle du monde.

Je vous invite à faire cette expérience par vous-mêmes. Rejoignez nous dans notre lutte afin d’étendre sa portée. Aidez nous à la rendre sans frontières.

Joanna Lucas
Peaceful Prairie Sanctuary


L’amour d’un animal

Je prendrai comme exemple le chien parce qu’il est peut-être l’animal que nous connaissons le mieux mais cette petite analyse peut s’appliquer à tous les animaux…

Nous sommes tous d’accord qu’un grand amour est un amour capable de dépasser toutes les frontières, qu’elles soient ethniques, sexuelles, sociales, intellectuelles, culturelles, esthétiques. Il est capable non seulement de les dépasser mais de les rendre caduques, insignifiantes. Un grand amour est un amour capable de voir au fond de l’être, au delà de toutes les apparences, au delà de la superficialité quotidienne, au delà des intérêts personnels… C’est ce genre d’amour qui révèle l’être, qui le découvre, à lui et aux autres. Cet amour forme et crée, encourage à exister, dans le vrai sens du terme. Toute personne qui se sentira aimée pour ce qu’elle a au fond d’elle, sera profondément heureuse et fière, d’une fierté modeste. Plus, le rêve de chacun de nous c’est qu’on soit aimés de cette façon là, au delà de notre apparence changeante et si fragile… Cet amour qui a trait à notre être profond et essentiel est l’amour indispensable que chacun devrait pouvoir vivre au moins une fois dans sa vie.

Aimés de cette façon, nous ne nous sentirons jamais ridicules de faire une blague basique, de nous montrer faibles, de découvrir nos défauts, de nous laisser aller, d’être nous-mêmes, sans peur, sans carapace, sans désir de performance, sans envie d’être quelqu’un d’autre, quelqu’un de mieux…car ce genre d’amour nous révèle notre valeur et nous convainc que nous aussi, nous sommes quelqu’un de bien. Nul besoin de vouloir tricher et faire semblant. L’autre nous aime tel que nous sommes au fond… C’est un amour qui libère, comme chaque vrai amour.

Cet amour, les hommes sont rarement capables de le ressentir. Cet amour, un chien le ressent peut-être à chaque fois qu’il s’attache à quelqu’un. Le chien ne nous aime pas parce que nous sommes beaux, riches, blancs, cadres supérieurs etc mais pour la façon dont nous nous comportons, c’est à dire pour notre moi profond. Un chien est capable de dépasser les barrières des apparences pour ne voir que ce qui compte : l’amour qu’il reçoit, et non pas qui le lui offre. Un chien sera trompé, battu, déçu…mais il aimera toujours, souvent prêt à donner sa vie pour la personne qu’il aime.

Certains, convaincus de la supériorité et la vérité de l’intellect, diront que les chiens ne pensent pas et qu’ils ne nous aiment que parce que nous leur donnons de la nourriture et un toit. Et qu’un chien pourrait tout aussi bien aimer Hitler que Gandhi, pour lui, à part la moustache, il n’y aurait aucune différence entre les deux. Vrai, un chien pourrait aimer Hitler. Et il pourrait aussi aimer Gandhi. Preuve, encore une fois, non pas que le chien s’attache à n’importe qui, mais qu’il sait apprécier quand il reçoit quelque chose. De plus, cet argument est sans fondement, car des hommes aussi ont aimé Hitler, ce qui ne prouve pas qu’ils étaient des chiens à ce moment là… Le fait est que nous ne savons pas pourquoi, au fond, nous, les hommes, nous nous attachons à d’autres hommes. Certes, le caractère, la beauté, le charme, l’honnêteté comptent, mais nous ne tombons pas amoureux de tous ceux qui ont ces qualités. Force est de constater que nous aussi, nous pouvons aimer des criminels comme des héros… Cela ne nous rend pas plus mauvais pour autant. Cela prouve seulement que nous n’aimons pas avec l’intellect. Comme les chiens, donc…

Il faut aussi reconnaître que nous préférons les personnes qui sont tendres, justes, solidaires, généreuses…les chiens aussi. La différence est que les chiens ne préfèrent que ces qualités-là, alors que nous, les êtres rationnels tellement prétentieux et imbus de nous-mêmes, nous sommes souvent à la recherche de la superficialité la plus criante (beauté physique, situation financière, célébrité…). A quoi nous sert alors notre “conscience” si, au lieu de nous éclairer l’essentiel, elle nous le masque ?

Cet animal qui aime comme peu de gens sont capables de le faire, est souvent abandonné et torturé, malgré tout son amour. Tel est le prix et la reconnaissance qu’il reçoit en retour de son amour inconditionnel…Comment punir de cette manière un être qui nous aime de tout son cœur et pour la vie ? Ne savons-nous pas reconnaître l’amour alors qu’il nous regarde dans les yeux ? Ne savons-nous pas être reconnaissants pour cet amour qui nous reconnaît comme dignes d’être aimés ?

En vérité, le chien se trompe, effectivement… Il se trompe car son amour n’est que rarement apprécié à sa juste valeur. Il se trompe car il aime ceux qui ne méritent pas un tel amour. Il se trompe car il aime ceux qui ne font souvent que profiter de ses sentiments et de son utilité… Pauvres chiens !

L’amour d’un chien est un exemple d’amour.

L’amour d’un animal est canonique.

Nous, les hommes, qui nous croyons si intelligents, prenons exemple…

Baltique – Renaud(chanson sur Deezer)