De l’éducation cohérente

Tel devrait être le monde, telle devrait être l’indignation des parents, telle devrait être l’éducation que nous donnons à nos enfants. J’accuse le Ministère de l’Éducation Nationale qui, soumis aux industries et aux idéologies du crime, oblige nos enfants à manger des cadavres. A quoi sert d’apprendre aux enfants à s’émouvoir devant « Le monde de Nemo » si après le film on leur sert du poisson ? Vraiment, réveillons-nous… n’obligeons pas nos enfants à tuer des êtres qu’ils voudraient pour amis, laissons la sensibilité des enfants se développer et ne la dirigeons pas seulement vers des animaux exotiques car la douleur et la souffrance ne connaissent pas de frontières culturelles. Ne faisons pas semblant de protéger uniquement « les espèces en voie de disparition », protégeons (et vraiment) toutes les espèces. Tous les animaux méritent considération et respect, qu’ils soient nombreux ou pas, qu’ils soient loin ou proche. Nous apprenons aux enfants que la discrimination est une mauvaise chose, et que faisons-nous quand nous les obligeons à manger le poulet mais à caresser le chien? Nous manquons à notre parole, l’éducation de générations entières sera grandement compromise tant que nous, les adultes, resterons aussi hypocrites et lâches. Apprenons aux enfants que le nombre de pattes, la couleur des plumes ou de la peau, la longueur du museau, la forme corporelle, la taille du cerveau etc. ne permettent en aucun cas de faire des hiérarchies de valeur. Il y a une grande faille dans notre éducation, nous devons faire le lien entre le steak et le cadavre, entre le cuir et la peau arrachée, entre le foie gras et la maladie provoquée. Tant que nous ne le ferons pas, nos enfants deviendront « schizophrènes » comme nous, prônant d’un côté le respect des animaux et de l’autre contribuant directement à leur souffrance et mort. A quand la cohérence entre les paroles et les actes, à quand l’honnêteté et le courage, à quand le bon exemple ? « Éduquer veut dire être un exemple, tout le reste est du dressage ». Oswald Bumke

Le véganisme ou rien ?

Les végans ont, souvent à juste titre, une image d’extrémistes. Un mouvement de pensée qui est très marginal (du moins en France) ne peut que rencontrer des difficultés par rapport à l’acceptation et à « l’intégration ». Un mouvement de pensée qui remet directement en cause les fondements de notre société ne peut qu’être rejeté, et cela de manière pulsionnelle, par la grande majorité des personnes. Le groupe social, quoi qu’on dise, n’aime et ne tolère pas les différences trop marquées, surtout quand celles-ci lui renvoient une mauvaise image de lui même. Dans le miroir que les marginaux tendent, le groupe social voit son image déformée et il détourne le regard avec virulence et instinctivement. Le qualificatif « d’extrémistes » vient de ce comportement accusateur et moralisateur à outrance qu’ont certains végans. Mais il vient aussi du manque d’esprit critique du groupe social, de son désir de ne rien changer de fondamental, de son rejet instinctif de l’interrogation et de la remise en cause. L’Homme moderne doit être malléable, il doit s’adapter à des situations diverses : déménager, changer de travail, changer de conjoint, changer de voiture etc. et tous ceux qui ne s’adaptent pas, qui ne changent pas sont considérés comme ringards et rigides. Ainsi, dans un tel monde de plasticité, de mobilité, de changements perpétuels, ceux qui veulent appliquer à la lettre et sans concessions une éthique passent pour des illuminés, des extrémistes, des sectaires, des rigides, des tristes et j’en passe. Il faudrait, j’ai souvent entendu dire, être modéré ce qui, dans le contexte d’un débat sur le véganisme veut dire : tuer un animal de temps en temps, voler son lait, porter sa peau ou l’exploiter dans le cirque c’est savoir s’adapter au monde, c’est savoir accepter les autres, c’est savoir être tolérant, c’est, encore mieux, savoir profiter de la vie. Là je pourrais être d’accord, c’est profiter de la vie, surtout de la vie d’autrui…Retenons donc qu’il faut être modéré.

Les végétariens passent souvent, par rapport aux végans, pour des personnes modérées et raisonnables. D’ailleurs, pour beaucoup de végétariens, le véganisme est un extrême à bannir. Le végétarisme est, disent-ils, un juste milieu entre un comportement éthique et la privation la plus rigide, entre bien faire et se faire plaisir, entre aimer les animaux et œuvrer pour leur bien. Or, nous le savons, le végétarisme ne combat en rien l’exploitation et la mort des animaux, il ne combat qu’un côté de cette exploitation, le côté chair animale. Ne pas manger le corps des animaux n’implique pas forcément la volonté que ceux-ci soient libres et maîtres de leurs vies, non. Un végétarien peut, sans grande contradiction, porter la peau d’un animal ou payer pour voir quel est le comportement d’un animal-esclave dans un cirque. Ceux qui aiment les animaux et surtout veulent leur rendre justice ne peuvent pas, honnêtement, faire du végétarisme un aboutissement, une fin absolue. Les animaux n’aiment pas les végétariens et surtout, les végétariens n’aident, au fond, que très peu d’animaux. Pourquoi ne pas manger le corps des animaux et manger des dérivés (le fromage par exemple) quand on sait que les « vaches à lait » finissent le plus souvent à l’abattoir ? Et quand on sait surtout que pour le lait elles souffrent infiniment plus que si elles étaient directement destinées à être transformées en steaks ? Le végétarisme n’empêche pas le massacre des animaux, il ne fait que le décaler dans le temps. Il n’empêche pas l’exploitation, il ne fait que la prolonger.

Comme je disais, pas étonnant que les végans passent pour des extrémistes, même aux yeux de ceux qui disent vouloir rendre justice aux animaux. Je préfère, moi, dire radicaux ou cohérents. Et j’aime poser cette question : « Es-tu pour que tous les enfants du monde vivent heureux, loin de la torture, de l’exploitation et de la maltraitance ? » si vous ne rencontrez pas un psychopathe, la réponse courante est celle-ci « Oui, bien sûr ». Je pourrais (et je le fais d’ailleurs) rétorquer : « Alors tu es un dangereux extrémiste ». Comment cela se fait-il que la même idée, passée au domaine des animaux, devienne de juste injuste, de bonne mauvaise, de radicale extrémiste ? Pourquoi vouloir que tous les animaux vivent libres et heureux est-ce un mal ? Comment peut-on dire que ce qui est bien c’est de tuer certains animaux de temps en temps ?

Passer du végétarisme au véganisme c’est passer d’un esclavage différent à la liberté totale. Le végétarisme n’est qu’une forme plus douce (en apparence) de spécisme. Le seuil minimum qui nous fait refuser le spécisme est le véganisme. Il n’y a pas d’alternative. Par contre, s’il n’y a pas d’alternative, il y a un cheminement. Peu deviennent végans instantanément (ce qui est souhaitable, bien sûr). La plupart (dont moi) ont pris ou prennent du temps. L’important n’est pas seulement de devenir végan mais de se le donner comme but. Si le végétarisme est un pas (le plus rapide possible) vers le véganisme alors je suis pour le végétarisme. S’il est une finalité, je suis contre le végétarisme.

Autre chose : si le véganisme passe pour un extrémisme c’est aussi à cause de la nouveauté du terme et de cette pudeur que certains végans ont à parler de ce mouvement. Suivant l’idée qu’il ne faut pas bousculer les gens on les prend pour des enfants incapables de supporter la vérité du spécisme. Tous les Hommes affirment être des adultes mûrs et prêts à entendre la vérité. Faisons-leur plaisir, ils le demandent. Il n’y a pas à cacher le véganisme, c’est une belle philosophie qui, bien exposée, ne peut pas faire peur puisque, justement, elle combat la peur. Le meilleur espoir pour voir le véganisme appliqué à plus grande échelle c’est de répandre le concept le plus vite et le plus loin possible. Nous ne pouvons pas attendre des gens qu’ils changent s’il n’ont en vue aucun changement possible ou souhaitable. N’oublions pas non plus qu’en cachant ce terme on cache l’idée d’un monde meilleur et ainsi nous faisons le jeu de ceux qui, par intérêt économique, politique, religieux, scientifique ou philosophique, ne veulent pas voir le véganisme prendre de l’ampleur. Cacher le terme c’est cacher le concept (pourquoi croyez-vous que dans certaines dictatures des termes tels que « liberté », « droits de l’Homme » etc. sont censurés ?). Ne censurons pas le véganisme. Dédramatisons-le ! Il n’y a aucune raison valable pour que les gens ne soient pas préparés à entendre un discours qui exige un monde plus juste. Le problème c’est qu’en cachant le terme, nous le faisons nous-mêmes passer pour occulte et dangereux. Le terme « véganisme » doit devenir banal et courant, c’est la seule chance des animaux !

Oui, je le redis, il n’y a aucune raison valable pour que la société rejette les fondements du véganisme car que veut dire cette philosophie ? Le véganisme demande l’extension de notre éthique habituelle à la sphère des animaux. Il demande que soient pris en compte les intérêts des êtres qui ont des intérêts. Il demande un respect de la vie de tous les êtres sensibles. Au fond (mais seulement au fond), rien de bien révolutionnaire. Tout Homme, quelle que soit sa nationalité, son sexe, sa taille, son niveau culturel, son aspect physique, sa situation sociale etc. mérite de vivre en liberté et de poursuivre son bonheur. Alors il en va de même pour le reste des animaux. Pourquoi tout Homme mérite et a droit à cela ? Parce que c’est ce qu’il veut et parce que c’est son intérêt. Pourquoi tout animal mérite et a droit à cela ? Pour la même raison. Donner ces droits à l’un et les refuser à l’autre sous prétexte que cet autre ne fait pas partie de la même espèce c’est ce qu’on appelle « spécisme ». Le spécisme n’a aucune justification morale ou logique. Seule la force nous permet d’être aussi arbitraires dans nos pensées et comportements. Tout le monde ou presque reconnaît de nos jours que les animaux autres que l’Homme connaissent la différence entre liberté et enfermement, entre caresse et torture, entre calme et peur, entre joie et tristesse, entre vie et mort. S’ils connaissent ces différences, bien qu’ils soient d’espèces différentes, comment justifier leur torture et mise à mort systématiques ? Comment affirmer que cela est moral ou du moins que ce n’est pas immoral ? Nous savons qu’un comportement moral est un comportement qui évite de la peine inutile à des êtres qui sont capables de la sentir. L’inverse, faire du mal sans aucune raison et contre la volonté de la victime (je précise cela car nous pouvons faire du mal à un Homme en lui coupant le bras par exemple pour éviter qu’une infection ne se propage dans tout le corps) est immoral. Or nous pouvons vivre sans manger des animaux, sans porter leur peau, sans les exploiter dans les cirques, sans tester des produits sur eux etc. Si nous pouvons le faire et que nous ne le faisons pas cela revient à dire que nous torturons les animaux et nous les tuons sans aucune nécessité, juste par habitude et par plaisir. Comment donc affirmer ce comportement comme moral ?

Une société dans laquelle des milliards d’animaux innocents et faibles sont tués tous les ans dans l’indifférence presque générale est une société qui va droit dans le mûr. Comment vouloir la paix dans le monde si le plus anodin de nos gestes est source de souffrances et de mort pour des êtres innocents ? Qui peut vraiment se sentir en sécurité dans une telle société qui, par goût et habitude, vole, torture, enferme, tue ? Une société dans laquelle les plus faibles de ses membres, les animaux, subissent les plus grandes injustices est-elle une société juste ? Une société dans laquelle les faibles souffrent les caprices des forts n’est-elle pas inquiétante et malade ? D’autant plus malade que cette torture systématique, ce crime organisé sont habillés par la publicité qui nous met en scène des vaches qui rient et des poulets qui dansent ? Quel intérêt pour les publicitaires d’occulter la réalité et de construire de purs mensonges ? Ils le savent bien : tant que les gens ne réfléchissent pas, ils ne risquent pas de changer. Tant qu’ils vivent dans l’illusion et prennent cette illusion pour de la réalité, ils seront obéissants. Voulons-nous obéir ? Voulons-nous détruire la vie de milliards d’êtres qui ne veulent que vivre ? Voulons-nous un tel monde ? Pourtant, c’est le monde que nous créons et consolidons tous les jours. Si nous cherchons honnêtement la justice, nous pouvons changer ce monde, du moins à niveau individuel. Le pouvoir d’un individu est énorme, ne serait-ce que par l’exemple qu’il donne. Si un comportement et une idée nous semblent injustes, la moindre et la première des choses c’est de ne pas les appliquer. Nous avons la responsabilité de nos actes, nous ne pouvons pas nous dérober en noyant cette responsabilité individuelle dans la responsabilité commune pour la simple et bonne raison que la société est faite de l’addition des individus et non l’inverse. La société est le reflet agrandi de chacun de nous. C’est pourquoi, se changer soi c’est changer le monde. L’injustice n’est pas que commune, elle est d’abord individuelle.

Le triomphe du véganisme serait le triomphe d’une plus grande justice, d’une plus grande ouverture d’esprit, d’une plus grande sensibilité, d’une plus grande solidarité, d’une plus grande sollicitude. Je vous laisse imaginer comment serait un monde où chaque petit être aurait sa place et son droit à une existence libre et heureuse. Un monde sans domination. Ce monde est possible si nous le voulons sincèrement. Il faut comprendre qu’il est de notre intérêt à tous d’œuvrer pour. Dans notre monde désenchanté l’idéalisme faisant mauvaise figure, je précise qu’il s’agit seulement d’espoir et de réalisme. Le monde que nous rêvons existe à petite échelle. Avec l’aide de tous, l’échelle s’agrandira.